Une rue pour honorer Raymonde et Jo Becker

À Cayeux, Jo et Raymonde Becker étaient connus pour avoir tenu une guinguette dans les dunes de la Mollière puis quelques années plus tard un café restaurant derrière le phare. Bien avant, Jo et Raymonde avaient eu une intense activité résistante dans le Pas-de-Calais, où ils habitaient alors. Jo faisait partie du réseau d'évasion Bordeaux-Loupiac, il avait aussi fourni des plans de construction des rampes de lancement de V1. Raymonde faisait circuler des informations, des hommes et des armes. En décembre 1943, Jo était arrêté par la police allemande, mais réussissait fort habilement à s'évader. Son épouse était alors arrêtée pour complicité. Elle passait de longs mois à la prison d'Amiens puis de Saint-Quentin, avant d'être libérée en 1944, grâce à l'avancée des Alliés. 

C'est Alain Becker, le fils de Jo et Raymonde qui nous raconte leur histoire extraordinaire : 

 

 

Le 17 juin 2022, la rue des Marchands de Cayeux-sur-Mer a été officiellement et solennellement nommée Rue Raymonde et Jo Becker par la municipalité de Cayeux-sur-Mer en présence de la famille et des amis de Raymonde et Jo.

 

 

 

Une cérémonie émouvante, au cours de laquelle les descendants de Raymonde et Jo, Marie et Jacques, et Jean-Paul Lecomte maire de Cayeux, ont prononcé des discours sensibles et engagés.

Marie Becker

 

Marie, fille d'Alain et Catherine Becker, petite fille de Jo et Raymonde. 

 

" Papa, merci d’avoir demandé à Monsieur le Maire de faire figurer aux côtés du prénom de mon grand-père Jo, celui de ma grand-mère Raymonde. Merci Monsieur le Maire d’avoir accepté cette proposition. S’il y a deux prénoms sur cette plaque, ce n’est pas pour seulement pour les unir à nouveau dans nos mémoires, c’est aussi parce que cette guerre, ils l’ont faite à deux. Ma grand-mère était aussi une résistante, ce qui l’a amenée à être arrêtée en même temps que mon grand-père par la Gestapo en 1944. Elle était alors enceinte de mon père.

Par cette décision, Monsieur le maire, vous rendez justice, en donnant à voir le rôle de ces héroïnes, courageuses, engagées, sans qui la résistance française n’aurait pas été ce qu’elle fut. Les femmes ont trop souvent été invisibilisées dans notre histoire. Pour exemple, seulement six d’entre elles comptent parmi les 1038 Compagnons de la Libération, dont quatre à titre posthume. Elles ne représentent qu’à peine 10% des médaillés de la Résistance. Ma grand-mère était l’une d’entre elles.

Papi parlait fort, s’emportait souvent. Il m’effrayait tout autant qu’il me fascinait. Mais il me rendait fière aussi. Mon grand-père était ce héros, il avait été ce résistant, comme on en voyait dans les films du dimanche soir. Mieux que dans un film, je buvais ses paroles lorsqu’il nous racontait ces faits de guerre, des récits plus rocambolesques les uns que les autres.

Me revient son accent lorrain, si singulier, passant du français à l’allemand et ponctuant immanquablement ses phrases par ces « n’est-ce pas ! ». Je repense bien-sûr à cette anecdote maintes fois racontées en famille, où il avait fait chanter à des Allemands, « vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine », ou bien encore le jour où, alors qu’il avait été arrêté et condamné à mort, il avait proposé aux deux soldats chargés de sa surveillance de passer un dernier repas bien arrosé dans un restaurant. Les deux soldats allaient partir sur le front de l’est, dont ils savaient qu’ils risquaient de ne pas revenir. Foutus pour foutus, il fallait faire une dernière fête. Jo avait fait en sorte que l’alcool ne manque pas, au point qu’ivres morts, les deux soldats allemands l’avaient laisser s’échapper par mégarde. Ils avaient été ensuite fusillés pour leur faute, mon grand-père était libre.

Ma grand-mère était bien plus discrète, moins démonstrative. J’aurais aimé la questionner davantage, j’étais jeune et la maturité m’a manqué. La guerre c’est aussi des non-dits, des silences. De la guerre, il est des histoires qu’on ne raconte jamais à la fin d’un repas de famille. Pourtant un jour, elle m’avait confié celle d’un jeune homme dont elle n’avait jamais vu le visage.

Alors qu’elle était emprisonnée, elle avait entendu ses cris et ses gémissements alors que l’on torturait dans la cellule voisine. Chaque jour elle l’avait entendu appeler sa mère, jusqu’au dernier où ses gémissements avaient laissé place à un terrible silence, un silence de mort.

Ma grand-mère vivait entourée de chats, des dizaines de chats...  Je me souviens lui avoir posé la question : « pourquoi Mamie tous ces chats ? » Elle m’avait répondu « ah tu sais Marie… », « je n’ai plus foi en l’humanité », « au moins, eux, ils ne font pas de mal ». Ma grand-mère avait fini par préférer la fréquentation des chats à celle des hommes.

Ma génération n’a pas connu la guerre, mais à travers mes grands-parents, j’ai pu ressentir ce qu’elle représente de brutalité, de blessures, dans la chair et dans l’esprit. Ma grand-mère aussi avait fait sa part… Elle aussi avait caché des clandestins, transmis des messages. Un jour alors que Papi avait réussi à échapper à une arrestation, en pleine nuit, Mamie avait pris sa voiture pendant le couvre-feu pour aller effacer les traces de son évasion. Il fallait s’assurer qu’aucun indice ne permette d’identifier mon grand-père qui avait tué un Allemand pour s’échapper… Parce qu’à la guerre on tue.

Ma grand-mère me raconte cette histoire et voilà qu’à côté de mon grand-père, ce héros, toujours à parler fort, à occuper la place, je me rendais compte qu’il y avait une héroïne, discrète, qui, elle, avait pris le parti de s’effacer, portant en secret les souffrances de l’humanité et pourtant si courageuse. Je me souviens encore de son regard si perçant qui disait tellement.

D’eux, je retiens, leur farouche volonté de liberté, les atrocités commises par les hommes, les conséquences de la guerre, les traumas, la fragilité de la vie, sa générosité vis-à-vis de l’autre, de l’exclu, du marginal.

Je crois pouvoir dire, à l’approche de mes 50 ans, que les trajectoires de vie de Papi et Mamie pendant cette guerre et les récits que mon père m’a fait de leurs exploits ont participé à ma construction d’adulte engagée. C’est peut-être en partie grâce à leurs modèles que je me suis, moi aussi construite dans la lutte. La lutte pour l’égalité et en tant que féministe, j’y suis bien sûr particulièrement sensible. Grâce à cette plaque, vous redonnez la parole à ces femmes de l’ombre, qui comme ma grand-mère, n’ont pas pu dire leur guerre.

À travers ce travail de mémoire que nous accomplissons ensemble aujourd’hui, il s’agit de ne pas oublier pour faire en sorte de ne pas reproduire les erreurs du passé. Dans un monde chahuté, en proie à la confusion, aux tentatives de réécritures de l’histoire, il est essentiel de rappeler à nos fils et à nos filles qu’il est essentiel de s’affirmer, de se questionner et de s’engager pour que chacun à sa mesure prenne sa part, de savoir que par nos actions nous pouvons influer le cours des choses pour faire de ce monde, un monde plus juste."

Marie Becker

Jean-Paul Lecomte, Alain Becker, Jacques Bastien

 

Jean-Paul Lecomte, maire de Cayeux-sur-Mer 

Mes chers collègues, Mesdames, Messieurs, 

La rue est le cordon ombilical qui relie l'individu à la société, écrivait avec finesse Victor Hugo. Comment ne pas souscrire à la justesse de ce propos qui nous rappelle combien tout au long de l'histoire, les rues ont représenté un vecteur important de la vie sociale ? Et c'est donc avec beaucoup de plaisir et une certaine solennité que je me livre à cet exercice inhabituel consistant à inaugurer une rue et à dévoiler à vos côtés la plaque nominative de celle-ci. Surtout inaugurer une rue dans une commune témoigne de son dynamisme, comme de son attractivité. C'est donc un moment important et particulièrement symbolique de notre volonté de poursuivre le développement équilibré de notre commune.

Il nous reste désormais à dévoiler avec vous la plaque inaugurale de cette rue que nous avons décidé d'appeler "Raymonde et Jo Becker" en hommage à deux anciens résistants des forces françaises combattantes du réseau Bordeaux Loupiac et anciens commerçants de notre commune. 

Raymonde Briet, épouse Becker est née le 16 octobre 1908 à Mers-Les-Bains. Elle est décorée de la médaille du combattant volontaire de la Résistance. Elle est décorée de la médaille d'Interné résistant 1939-1945. 

Elle a épousé Jo Becker le 22 janvier 1957 à Frévent (Pas-de-Calais). 

Jo Becker est né le 16 novembre 1910 à Forbach en Moselle. 

Il est décoré de la Croix de guerre 1939/45 pour faits de résistance, de la médaille du combattant volontaire de la résistance, de la médaille des évadés, de la médaille of Freedom attribuée par les USA, de la médaille King Medal for courage attribuée par le gouvernement de sa majesté britannique pour contribution aux troupes alliées durant la Seconde guerre mondiale. 

Citation à l'ordre de la division 

Chef de secteur, il assure personnellement la récupération et le convoyage de 16 aviateurs alliés évadés. Lors d'un convoyage de cinq aviateurs dans sa voiture, il a forcé le barrage des gendarmes allemands avec courage. Arrêté par la Gestapo le 15 décembre 1943, il réussit à s'évader pendant son transfert de Saint-Quentin à Lille le 21 janvier 1944. Il participe avec les FFI à la libération du territoire. Cette citation comporte l'attribution de la croix de guerre avec étoile d'argent. 

Je suis fier et heureux d'honorer l'engagement et la mémoire de Raymonde et Jo Becker. Nous ne traverserons plus cette rue comme avant. Nous n'oublierons pas leur détermination et leur courage. Nous n'oublierons pas leur amour de la liberté. 

Jean-Paul Lecomte

 

Nicolas, fils d'Alain et petit-fils de Raymonde et Jo : 

Je viens de perdre un de mes amis les plus chers, Mantas , réalisateur de documentaires et professeur d'anthropologie à Oxford, il a été arrêté, torturé et tué par l'armée russe à Mariupol.
Quelques semaines avant, Mantas m'a appelé d'Ouganda où il s'était installé  pour monter un projet de film futuriste qu'il préparait avec l'aide de toutes les communautés locales. Il m'a dit : Nicolas, l'heure est grave, je pars avec ma femme ukrainienne Hanna, elle va combattre et moi je vais documenter sur ce qui se passe, c'est important, c'est un devoir pour moi. Mantas avait déjà réalisé un documentaire à Mariupol en 2014 sur cette première guerre oubliée.
À ce moment-là, j' ai compris profondément pourquoi  Mantas était plus pour moi un frère qu'un ami .
Cela résonna en moi et me fit replonger dans l'histoire de notre propre famille, précisément dans celle de mes grand parents paternels, eux qui ont alors tout quitté pour s' engager ensemble dans la résistance à l'ordre nazi.
Raymonde et Jo se sont rencontrés durant cette période. Mon père, Alain est né de cette union à la sortie de la prison où ma grand mère fut internée après l'évasion rocambolesque de mon grand père des mains de la Gestapo de Lille, je crois me rappeler.
Ils ont tout donné pour défendre leurs idées et notre liberté. Ni la peur, ni la violence n'ont eu raison d'eux.
Raymonde était une femme libre et émancipée pour l'époque, pilotant dès les années 30 un coupé "Amilcar" de couleur vive de ville en ville pour son travail ….
Jo était une tête brûlée, un peu colérique, le verbe haut, toujours à la recherche depuis son enfance d'émotions fortes.
Et après la guerre ?  Tout n'a pas été facile... Mais ils se sont aussi bien amusés dans leur guinguette , c'était la fête, la musique, la vie, qui couvrait le bruit et les souvenirs des combats passés sur fond d'amitié et de générosité, jusqu'à ce qu’un sombre général, alors maire,  ne mette fin à cette joyeuse anarchie .
Après cela plus rien ne fut pareil, un autre restaurant puis un autre et puis finalement une vie plus difficile avec l'âge venant, révélant la dureté de continuer à vivre .
La mort de ma grand mère, enterrement à l'église avec leurs frères de combat chantant le chant des partisans pour couvrir le ridicule prêche vantant les qualités d'une Raymonde réduite à son rôle de "femme d'intérieure" .
La dure fin de vie de Jo, perdant un peu la boule, jusqu’à prendre les bons docteurs pour des bourreaux de la Gestapo des mains desquelles il s'était échappé, puis sa mort, et aujourd'hui parait-il : ses coups de gueule dans le cimetière par grand vent, empêchant ses voisins de reposer tranquillement (dixit le gardien)... comme au bon vieux temps.
Mais quel courage de vie et d'amour que cette vie-là, de mettre en accord parfait ses idées et ses actes .
Et Bravo pour les honneurs, bravo pour les médailles décernées par les États français, anglais et américains : tout cela était simplement mérité.
Raymonde fit mille choses durant ces années, discrète et courageuse, s'agissant tant du soutien aux pilotes Alliés récupérés que du renseignement militaire, toujours au côté d'un Jo aux actions insensées et folles aux dires de ses compagnons et du récit qu'en fit le colonel Remy.  
Mais ajouter à ces honneurs et à ces médailles, un nom de rue, c' est un appel public à la réflexion, c'est permettre aux passants curieux de demain de s'interroger sur le rapport de l'histoire aux lieux, de se questionner comme être humain et au plus profond d'eux-mêmes sur ce qu'est le courage : qu'aurait-on fait à leur place, aurait-on eu ce courage, cette force de caractère qui vous fait choisir l'engagement, l'action, au risque de tout y perdre ?
Cette question continue de me hanter.
Leur vie a profondément forgé la nôtre, à notre mesure nous avons tous construit des voies en accord avec nos idées.
Mais c'était facile, nous vivions en paix et pouvions défendre nos façons de penser. Mais l'ange de l'histoire s'est repris les pieds dans le tapis et la guerre oubliée est réapparue en Europe, là, en Ukraine. Mon "frère" Mantas s'en est allé, deux fois victime, une première fois à Mariupol, de son devoir, une seconde fois, de la malchance, ce mal qui hante les lieux de guerre.

Raymonde et Jo, vous faites partie de l'histoire mais votre combat reste d'une grande actualité, la mort de mon ami Mantas est là pour nous le rappeler.

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Nicolas Becker

 

 

Jacques Bastien, fils de Raymonde Becker

 

Témoignage sur les actions de Raymonde et Jo Becker au sein de la Résistance 

 

Le Havre - Exode

 

À la déclaration de guerre, nous habitions, ma mère, mon père et moi, au Havre. En 1940, ce fut l'invasion de la France et l'exode pour nous vers Bordeaux. L'armistice signé, ce fut le retour au Havre, occupé par l'armée allemande ; la situation devenant dangereuse, mon père nous envoyait ma mère et moi à Auxi-le-Château, chez mes grands-parents.

Auxi occupé

Les Allemands occupaient Auxi. La société Oldenthal construisait des terrains d'aviation et des rampes de lancement de V1 et V2 dans toute la région dans le but de bombarder l'Angleterre. L'école fut transformée en hôpital militaire. À cette époque, Jo Becker, mosellan, est réquisitionné par cette société Odenthal car il parle allemand et français et joue le rôle de traducteur pour l'occupant. Il est chargé de ravitailler ouvriers et militaires sur les terrains et les rampes de lancement.

 

Résistance - Bob Merlin

 

La résistance à l'occupant s'organise dans la région d'Auxi. Jo Becker, par l'intermédiaire du Dr Etroit de Frévent (responsable de la Résistance) entre dans le réseau de Résistance locale. D'autres résistants s'engagent. Les docteurs Boutin et Hibon mais également des enseignants, des ouvriers, des commerçants, des fermiers, des femmes aussi. Beaucoup sont d'appartenance communiste. Profitant de ses entrées dans le secteurs allemand, Jo commence à repérer et visiter les emplacements des installations militaires. En plus de cela, Jo joue un rôle important pour la récupération et la protection des pilotes alliés abattus par les Allemands (plus de 60 pilotes). Ils seront cachés dans les fermes environnantes jusqu'à leur évacuation. Parmi ceux-là, Bob Merlin qui sera accueilli chez ma grand-mère et ma mère. Parlant parfaitement français, il deviendra le chauffeur de Jo et se déplacera tranquillement parmi les Allemands ! À eux deux, au cours de leurs visites, ils vont établir des plans très précis sur les terrains d'aviation et rampes de lancement. Tout ceci sera envoyé à Londres. La RAF utilisera ces renseignements. Dans les mois qui suivront, les Alliés vont détruire de nombreux emplacements militaires (terrains et rampes de lancement). Malheureusement, le 2 août 1944, le bombardement qui devait anéantir la gare d'Auxi est mal ciblée. Plusieurs bombes atteignent des habitations. Des Auxilois sont tués dont une fillette de 7 ans. Par groupes, les pilotes alliés, munis de fausses cartes d'identité et de vêtements civils, seront évacués par train via Amiens et Paris vers l'Espagne, la Suisse ou l'Angleterre. Au cours de cette évacuation, Jo avec sa camionnette devra forcer un barrage de gendarmerie allemande avant d'arriver en gare d'Amiens. À Paris, Mireille Combas, une amie de la famille, se chargera de loger temporairement tous ces pilotes avant leur évacuation définitive. De son côté, Raymonde joue un rôle important dans la Résistance. Elle transmet des messages, accueille équipe des pilotes, des résistants français, des communistes qui sont poursuivis par l'occupant et qui risquent la mise à mort ou l'envoi dans des camps de concentration. Au cours de l'attaque d'un convoi allemand entre Auxi et Abbeville, Jo perd sa montre. En pleine nuit, risquant sa vie, Raymonde part la récupérer avant la découverte des soldats tués.

 

Arrestation et évasion de Jo Becker 

 

Le 15 décembre 1943, Jo Becker est arrêté par les Allemands. Il a dû être dénoncé et l'occupant a peut-être découvert ses activités. Emprisonné à Saint-Quentin, il est condamné à mort et dirigé vers Lille. Il réussit à s'évader et se réfugie chez un pharmacien à Bethune. Quelques jours plus tard, il regagne Auxi et il est accueilli et protégé par Beaucourt, un résistant avec qui il collabore depuis le début. Jo va ensuite se cacher durant un long moment chez Mme Lanciot, sur la place de la commune. Il est recherché par la Gestapo. Un canon est dirigé vers la maison de ma grand-mère, où nous habitions. Il continuera son action en sortant la nuit de sa cachette et ceci jusqu'à la libération d'Auxi, le 4 septembre 1944.

 

Arrestation de Maman 

 

Le 23 janvier 1944, Maman est arrêtée à son tour par la Gestapo qui fouille la maison et découvre les plans des installations militaires allemandes de la région. Elle est emprisonnée d'abord à Amiens puis à Saint-Quentin trois jours avant l'opération Jericho de la RAF sur la prison. Elle y passera plusieurs mois. Elle sera sauvée des camps de concentration par Mlle Koenig, secrétaire alsacienne de la prison. Enceinte de mon frère Alain, les Allemands la libéreront et elle reviendra à Auxi.

 

Libération d'Auxi-le-Château

 

Été 1944, pour les Allemands, c'est le repli. À Auxi, les deux ponts sont minés. Un épicier tue un soldat dans son magasin alors que l'occupant est encore là. Cet acte de folie risque de provoquer des représailles sur la population. C'est à ce moment-là que Jo sort de sa cachette et va parler au capitaine allemand présent sur place. il va lui expliquer que le soldat allemand au cours de la dispute avec l'épicier s'est blessé accidentellement avec son arme. L'officier, pressé dans la débandade de ses troupes, doute de ces déclarations et abandonne la place. Dans la nuit du 3 au 4 septembre 1944, Henri Fournier, résistant, participe au déminage du Pont-Neuf sur l'Authie. Mais l'autre pont, miné par les Allemands, explose lors de leur fuite. En plus du pont, de nombreuses maisons sont détruites, dont celle de ma grand-mère. Alain qui venait de naître et Maman sont transportés en sécurité chez le docteur Hibon qui était aussi un résistant important. Le 4 septembre au matin, empruntant le pont déminé la veille, les Canadiens libèrent Auxi et reçoivent un accueil enthousiaste des Auxilois. Quelques jours plus tard, plusieurs femmes qui avaient eu des relations avec les Allemands sont tondues sur la place devant une foule menaçante.

 

Ils ont risqué leur vie pour sauver les pilotes alliés, pour envoyer des renseignements importants à Londres (terrains d'aviation, rampes de V1 et V2, positionnement des troupes allemandes) pour protéger les résistants et les agents recherchés par la Gestapo. Ils méritent respect et reconnaissance pour leur engagement dans la Résistance, dans les moments tragiques pour notre pays. au nom de la famille, je remercie Mr Le maire de Cayeux et son conseil municipal d'avoir pris la décision d'honorer la mémoire de Raymonde et Jo en donnant leurs noms à cette rue, près de la maison où ils ont vécu. Je terminerai en ayant une pensée pour Michel Becker, le fils de Jo, disparu depuis quelques années. 

Jacques Bastien

Cayeux-sur-Mer, le 15 juin 2022

Mis à jour le 18 juin